C’est ce qu’écrit Libération dans un article de ce vendredi 21 janvier. Les magistrats se sont en effet rassemblés devant le tribunal de Bobigny pour accueillir Michel Mercier (Garde des Sceaux), venu officialiser la première entrée solennelle du nouveau Président du tribunal : Rémy Heitz. Les syndicats se sont mobilisés pour protester contre les attaques récurrentes portées au monde judiciaire.
Les magistrats expriment leur indignation quant au manque cruel de moyens accordés au monde judiciaire. La France est à la 37ème/43, place des pays européens pour le budget alloué à la justice. Le remplacement d’un fonctionnaire sur deux n’a pas épargné les magistrats qui sont aujourd’hui très largement en sous effectif. Les conséquences sont graves : Certains dossiers, déposés aujourd'hui, ne passeront pas en audience avant 2012 !
Les magistrats sont également outrés par le manque d’indépendance dont ils sont victimes à l’égard du pouvoir exécutif. Les juges du parquet1 sont soumis à la chancellerie par une hiérarchisation très forte. La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a d’ailleurs mis en cause ce défaut d’indépendance des « parquetiers français », qui sont en outre nommés par l’exécutif. Et le gouvernement actuel ne cesse de s’attaquer aux métiers de juges indépendants ; le juge d’instruction a été menacé (même si le projet de sa suppression a finalement été abandonné) et on envisage à présent d’intégrer des jurés en correctionnelle (attaque cette fois-ci au juge de correctionnelle).
Enfin, les magistrats sont scandalisés par la culpabilisation constante qu’ils subissent. Après les professeurs « fainéants », c’est au tour des magistrats d’être trop laxistes et d’être responsables de la montée de la délinquance. Les commentaires des ministres et du Président de la république sont déplacés et dangereux pour la République. Le discrédit qui est porté régulièrement aux décisions de justice affecte l’institution de la justice, ce qui est extrêmement grave ; mais au delà affecte un grand nombre de magistrats qui sont aujourd’hui en dépression.
En 2010, cinq magistrats se sont suicidés en raison des conditions de travail et de la pression permanente.
Il n’y a nul doute qu’à ce rythme, nombreuses seront les condamnations de la CEDH car l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme impose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Les juges ont raison de s’alarmer.
Plusieurs syndicats se sont d’ailleurs unis pour nous alerter quant aux dangers qui menacent la justice française dans un communiqué en date du 19 janvier 2011 (en ligne sur le site de l’Union syndicale des magistrats)
(http://www.union-syndicale-magistrats.org/web/index.php)
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1 : Ce sont les magistrats qui « se mettent debout en audience ». Contrairement aux juges du siège, ils ne sont pas inamovibles. Ce sont le procureur de la République et ses substituts. Ils ne tranchent pas de litiges : ils représentent les intérêts de la société et, devant une plainte, décident de l’opportunité des poursuites. Ils dirigent les services de police et de gendarmerie au cours des enquêtes judiciaires. Ils demandent l’application de la loi au cours des procès et veillent à son application après le verdict.
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