La loi de prévention de la délinquance passe en ce moment en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Ce projet conséquent (51 articles) touche au code pénal, au code de la famille, de l’éducation et de la santé. Il concerne essentiellement la délinquance des mineurs.
Il me semble fondamental de dénoncer ici clairement la réalité d'une loi qui n'a de préventive que le nom. En effet, on ne voit pas du tout en quoi ce projet concerne la prévention :
- Le maire devient le grand ordonnateur de la prévention de la délinquance.
Déjà investi de quasi pouvoirs de procureur par la loi sur l’égalité des chances (qui lui permet de proposer pour certaines infractions des peines d’intérêt général), il se voit confier des pouvoirs de contrôle dans de nombreux domaines de la vie de ses administrés : coordonnateur de l’action sociale, tuteur de la vie des familles, contrôleur de l’assiduité scolaire, responsable en première intention des placements d’office psychiatriques, juge des comportements antisociaux… Or, le cumul des pouvoirs confiés à une autorité particulièrement soumise aux pressions de l’environnement immédiat constituerait un danger pour les libertés individuelles. - Le droit des mineurs est mis à mal.
L’instauration d’une peine d’initiation au travail dès 13 ans, après l’apprentissage dès 14 ans, remettrait un peu plus en cause l’interdiction de faire travailler un mineur avant 16 ans. La création d’une procédure de comparution quasi-immédiate pour les 16-18 ans signerait la fin de la spécificité de la justice des mineurs.
Le projet demande notamment aux travailleurs sociaux de renoncer au secret professionnel. Ce nouveau partenariat implique la mise en commun d’informations nominatives, non seulement sur les délinquants, mais aussi sur les populations considérées comme « à risque », soit les enfants, jeunes ou familles rencontrant des difficultés matérielles, éducatives ou sociales. Sur la base de critères flous, ces personnes seront signalées au maire, c’est-à-dire à un politique, qui à partir de là constituera un fichier informatisé. Cette mesure représente évidemment une remise en cause profonde de la nature même de leur travail qui repose sur une relation de confiance. - On peut enfin noter que les rapports qui ont préparé la future loi n’ont jamais évoqué l’insécurité sociale comme facteur explicatif de la délinquance.
Pourtant il paraît difficile de passer sous silence tous les processus de marginalisation et de paupérisation de populations soumises à la ségrégation urbaine. Or, ce sont bien les conditions sociales dans lesquelles vivent les personnes qui permettent de comprendre la délinquance. On ne construit pas la sécurité sur de l’insécurité sociale. La stigmatisation en bloc, l’ethnicisation des questions de sécurité, si elle rassure une partie de l’opinion, ne font qu’augmenter la violence et la tension qui pèsent sur les professionnels de la prévention comme sur les populations des quartiers dits « sensibles ».
Face à un certain nombre de mineurs en perte de repères, il ne saurait être question de nier, ni la nécessité du rappel de la règle et de la loi, ni la nécessité de sanctions dans certains cas. Mais le but d’une nouvelle loi est généralement de créer de « nouveaux outils ». Or ceux déjà mis en oeuvre semblent avoir suffisamment oublié la prévention au profit de la répression : depuis l’ordonnance de 1945, texte fondateur, humaniste et progressiste, qui régit la responsabilité des mineurs, la primauté des réponses éducatives a progressivement cédé le pas à une immixtion toujours plus grande du droit pénal des majeurs, plus répressif, dans celui des mineurs. Au fil d'une trentaine de réécritures, dont récemment la loi Perben 1 (2002), la réponse pénale à la délinquance des mineurs n'a cessé d'augmenter au détriment de l’éducatif.
Ce projet de loi est donc à la fois dangereux et inadapté. Pour "prévenir" la délinquance, comme le titre du projet l'indique à tort, d'autres outils existent. Faire du maire le chef d'orchestre d'une pseudo prévention, remettre en cause le droit des mineurs, tout en négligeant aussi ouvertement les facteurs explicatifs relatifs à l'insécurité sociale : tout ceci prouve la surenchère sécuritaire d'une droite ultra répressive. Il est urgent que la gauche remporte les élections afin de mettre un terme à cette sape systématique des droits des plus démunis.
Je partage en grande partie votre approche. Le maire est un politique il agit sur la vie municipale, il participe déja aux comités locaux de sécurité et apporte un éclairage diférent pour les représentants des adminsitrations concernées par ce sujet. Faire de lui un "shérif" n'a aucun sens et affaiblira son rôle.Les risques de disparités de traitement entre communes urbaines et rurales ou entre communes urbaines situées en périphéries est réel.
On sent au travers de ce projet l'influence du sarkozy américain.
Ce texte n'est pas préventif il est répressif et dédouane le ministère de l'intérieur de sa mauvaise gestion.
Par contre je pense que la comparution immédiate des mineurs devient nécessaire car elle imprimera dans l'esprit de nos compatriotes l'image d'une justice qui agit vite. Attention à l'angélisme!! cela renforce les extrêmes(cf 2002). Un traitement judiciaire assure les droits de la personne ne l'oublions pas, on peut envisager dans ce cas l'utilisation d ela vidéo au commissariat et chez le juge.
bien à vous
Ch Durif
Rédigé par : christophe Durif | 14 février 2007 à 11h49
Quel plaisir de surfer sur ce site. Très clair, agréable à naviguer.
Bon courage pour ta campagne Barbara !
Rédigé par : Guillaume MATHELIER | 14 février 2007 à 13h23
Je partage également l'avis de Christophe Durif sur votre point de vue de cette loi de pseudo-prévention de la délinquance.
Comme Christophe, je pense que permettre la comparution immédiate des mineurs - à condition que tout soit bien encadré légalement - est souhaitable dans la mesure où cette comparution immédiate a déjà valeur pédagogique, en sous-entendant que le "monde des adultes" réagit dans la foulée aux faits reprochés au mineur. Alors, bien évidemment, il ne s'agirait pas de durcir les éventuelles peines à l'encontre des mineurs, mais si une sanction doit intervenir, elle doit être prise rapidement (mais pas expéditivement). Sinon, le sentiment d'impunité ne fera qu'accroitre. Je sais que dans un grand nombre de tribunaux pour mineurs, les juges font des "rappels à la loi" devant les parents et dans 80 % des cas, il n'y a pas de récidive du mineur. Il faut encourager ce genre de pratique et que ces audiences interviennent rapidement après les faits, si possible à l'intérieur d'une salle d'audience solennelle, et pas dans un simple bureau.
Mais contrairement à Christophe, j'émets beaucoup de réseves quant à l'utilisation des caméras. La loi votée il y a peu de temps et qui visait à placer des caméras dans le bureau des juges d'instruction me semble inutile et néfaste, car dans ce type de procédure, bien souvent, le juge d'instruction n'est pas seul avec les accusés lors des interrogatoires. Il y a au moins l'avocat de l'accusé et s'il y avait des irrégularités, il pourrait tout à fait les signaler. Pour ce qui est des commissariats, là aussi, je suis sceptique.
Buzz
Rédigé par : Buzz | 14 février 2007 à 14h55
Il ne faut pas confondre comparution immédiate et justice expéditive. or c'est justement ce que propose cette loi. En matière de justice, l'important est la prévention, la punition ne venant en fin de parcours, puisque ce que nous réclamons tous, c'est surtout de ne pas avoir à subir d'actes de délinquance. L'expérience le montre, aucune peine, si forte soit-elle, ne permet d'éradiquer la délinquance. (Les pays où sévit encore la peine de mort ont-ils moins de crimes ? Non.)Bien sûr, il n'est pas question de faire de l'angélisme post soixante-huitard en disant qu'il est interdit d'interdire ou en revendiquant zero répression, mais il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, celui de cette loi, qui veut ignorer le volet de la prévention.
C'est d'autant plus grave vis à vis des mineurs qui , comme leur nom l'indique, sont censés être des adultes immatures.
Reste à savoir ce que nous voulons appeler justice : un simple catalogue d'actions repressives, dont le résultat ne serait finalement que de rassurer les braves citoyens sans leur garantir plus de sécurité, ou une réelle prise en compte des besoins et des modes d'actions pour faire en sorte que ceux qui ne veulent pas respecter les règles de vie communes que sont les lois, soit par volonté d'être en dehors de la société soit parce qu'il n'y ont pas trouvé de place, puissent réintégrer la communauté.
Cette démarche n'a jamais été celle de la droite, puisqu'idéologiquement l'individu est totalement responsable de l'ensemble de ses actes, quelque soit l'environnment dans lequel il se trouve.
c'est une démarche extrèmement dangereuse envers des mineurs qui risuent d'être perdus à jamais pour notre société.
Rédigé par : phil | 17 février 2007 à 09h17