Le 28 février dernier à la Chambre de commerce et d’industrie (tout un symbole), la direction régionale du courrier de La Poste annonçait un investissement de 28 millions d’euros en Franche-Comté pour augmenter la qualité et la rapidité de la distribution du courrier d’ici à 2010. Cette enveloppe de 28 millions d’euros se traduira notamment par la création d’une nouvelle plate-forme industrielle à Besançon pour 14 millions d’euros. Il s’agira d’une extension de l’actuel centre de traitement du courrier (CTC) de l’avenue Clemenceau, avec installation de nouvelles machines, etc.
On ne peut que se réjouir de cette annonce importante qui doit permettre de pérenniser le CTC de Besançon. En effet, depuis plusieurs mois, certains salariés craignaient un possible démantèlement du centre, en particulier après le transfert de l’activité ‘colis’ sur Bar-le-Duc en 2006. Cette bonne nouvelle est donc de nature à apaiser ces craintes.
Toutefois, plusieurs réflexions me viennent à l’esprit. Il ne faudrait pas, comme le dit l’adage populaire, « déshabiller Pierre pour habiller Paul », c’est-à-dire délaisser ou réduire le champ d’activité des autres centres de tri du Doubs et des autres départements de la région pour consolider le CTC de Besançon. J’ai bien noté que les 14 autres millions d’euros de l’enveloppe annoncée serviront à créer 7 plate-formes de préparation et de distribution comme celle de Dannemarie-sur-Crête, mais le centre de tri de Vesoul, par exemple, verra ses missions réduites. J’ajoute que cette tendance à la centralisation du traitement du courrier à Besançon serait néfaste en terme environnemental puisque les flux de transports seront, de fait, augmentés, engendrant une plus grande pollution.
Au-delà de cet aspect, je pense que, s’il est tout à fait louable d’investir dans une structure, il est encore davantage souhaitable d’investir dans le capital humain. Les conditions de travail, en particulier pour les facteurs, restent difficiles : le nombre de facteurs diminue, ce qui allonge les tournées et conduit à une plus grande pénibilité du travail et à l’abandon progressif de la mission sociale et de service aux personnes âgées ou isolées. Dans les centres de tri, les cadences augmentent également au fil des réductions d’effectifs...
On le sait, La Poste mène depuis quelques années une politique de réduction drastique de ses coûts, perdant peu à peu son statut de service public pour adopter les lois et les logiques d’une grande entreprise privée, compétitive pour affronter le marché européen et devenir leader. Car la raison de ce glissement regrettable est l’ouverture totale des services postaux européens à la concurrence au 1er janvier 2009, comme le précise les directives 97/67/CE et 2002/39/CE de la Commission européenne. Depuis plusieurs années déjà, cette ouverture à la concurrence est effective pour les colis ou les lettres de plus de 50 g, qui peuvent être confiés à des prestataires privés comme FedEx, DHL... Le dernier acte, pour La Poste, sera l’ouverture à la concurrence du marché des plis de moins de 50 g, c’est-à-dire les lettres les plus courantes que les Français envoient. On aura donc, demain, le choix entre La Poste et d’autres entreprises postales allemandes, néerlandaises. Et malheureusement, cette libéralisation ne se fera sans doute pas au profit des usagers... On peut donc craindre une diminution du service public postal.
Cette logique est déjà en marche, en particulier dans nos zones rurales, où le groupe La Poste ferme progressivement ses bureaux. Et lorsque ce n’est pas la fermeture pure et simple, il s’agit d’une démarche plus pernicieuse. Pour réduire les coûts structurels tout en maintenant globalement le nombre de « points de contact » sur le territoire, La Poste diminue les horaires d’ouverture des bureaux de poste ruraux, ce qui entraîne une baisse de la fréquentation. Statistiques à l’appui, la direction de La Poste démarche les maires en proposant de transformer ces bureaux ‘non rentables’ en agences postales communales (sous la responsabilité financière des communes) ou en « relais poste commerçant » (comme ce sera le cas en 2007 à Liesle). Cette « décentralisation » de la présence postale en milieu rural conduit à une dilution de la responsabilité du groupe La Poste car, dans quelques années, ce sont les maires qui devront éventuellement prendre la décision de fermer ces agences postales communales devenues trop coûteuses. Alors bien sûr, le groupe La Poste prétend qu’il faut adapter le réseau des bureaux de poste aux besoins actuels et futurs. Mais en milieu rural, ces bureaux jouent également un rôle social et d’aménagement du territoire, tout comme les bureaux dans les quartiers urbains qui devraient être plus nombreux pour assurer une égalité réelle d’accès au service public postal.
Enfin, la libéralisation voulue par la Commission européenne permettra-t-elle à la péréquation tarifaire de perdurer ? Car c’est bien cette péréquation tarifaire qui veut que aujourd’hui, où qu’il soit sur le territoire national, l’usager du service public postal paie le même tarif, même si les coûts d’acheminement sont différents. Alors en 2015, y aura-t-il des « timbres des villes » et des « timbres des champs » ?
Le nouveau slogan de La Poste scande « Et la confiance grandit... ». Il serait donc souhaitable de ne pas faire mentir cette accroche prometteuse.
Il n'y a pas si longtemps, 25 ans en fait, j'habitais Lons le Saunier et je me souviens qu'à coté des principales boites aux lettres de La Poste (à l'époque on disait PTT et c'était un service de l'état...), celle du bureau du centre ville, celle de la gare routière, celle du centre de tri et même celle de l'agence du quartier HLM de La Marjorie, il y avait une carte de France où les départements apparraissaient en couleurs différentes suivant l'heure de dépose limite de votre lettre pour qu'elle soit distribuée le landemain, au pris d'un envoi "normal".
C'était l'époque où l'on avait pas besoin de communication pour se rendre compte que le service existait et était réellement rendu.
Aujourd'hui, on vous explique à grand renfort de mailling que la réduction des horaires d'ouverture du bureau (ou de ce qu'il en reste...) est un nouveau pas de l'amélioration du service au public.
Mais ce n'est pas l'apanage de La Poste. J'ai dans mon village du bord de Loue, une banque, qui se dit rurale, et qui, au nom de cette amélioration du service rendu, a profité d'un déménagement pour transformer son agance en un lieu automatique où les employés ne manipulent plus d'argent ! Le summum du service bancaire est donc la banque sans argent !! Dorenavant, si vous voulez quelques billets (votre carte est en panne où vous n'en avez pas, ...), il vous faut, au nom de l'amélioration du service renu à la clientèle, vous rendre à 12 km de là!!
Il est d'ailleurs rigolo de voir que la banque fait maintenant plutôt de l'assurance et la poste plutôt de la banque...
Avez-vous remarqué aussi, dans nos chères grandes surfaces, lorsqu'un prix ne passe pas au même montant que l'étiquette, ce n'est plus en caisse que l'on attend la vérification, mais à l'accueil, après avoir payé et refait un temps de queue. Il est vrai que pendant ce temps là, "l'amélioration" du service n'entrave pas l'encaissement des autres clients.
Et je pourrais encore continuer mon mauvais esprit en rappelant que tous les numéros de téléphone de nos chèrs services consommateurs ne sont plus gratuits et que finalement, ce que les communicants appellent "amélioration du service" n'est en fait que l'art de faire payer au client l'absence de qualité de service...
Rédigé par : phil | 05 mars 2007 à 14h47