Je relaie ici l'appel lancé par le journal Libération pour empêcher la mort par lapidation de Sakineh Mohammadi. Au-dela du cractère scandaleux de la situation faite à cette femme, le journal rappelle, la situation de beaucoup d'autres, sans tomber dans la caricature de l'Iran et de ses habitants. Je vous invite également à participer à la manifestation qui se tient aujourd'hui, 28 août, à Besançon à 15h (Place du 8 Septembre).
« Sakineh Mohammadi Ashtiani attendait dans la prison de Tabriz, dans l’ouest de l’Iran, où elle croupit depuis cinq ans, la réponse à une demande de réexamen de son cas –prévue, initialement, pour le 15 août.
Son “crime” (qu’elle n’a avoué, rappelons-le, que sous la torture et qui consisterait, selon ses accusateurs, à avoir eu deux relations amoureuses hors mariage) avait déjà été puni par 99 coups de fouet administrés en présence de l’un de ses deux enfants. Mais voilà qu’une nouvelle et nébuleuse accusation a débouché, il y a quelques mois, sur une condamnation à mort –et pas n’importe quelle mort puisqu’il devrait s’agir d’une mort par lapidation !
«L’opinion internationale, touchée par l’horreur de cette menace qui pèse sur Sakineh, attendait avec elle la révision d’un verdict aussi inique que barbare quand, le 11 août au soir, se produisit l’un de ces coups de théâtre dont l’Iran commence à être coutumière: le régime diffusait à la télévision, dans une émission de grande écoute, les prétendus “aveux” de la jeune femme qui, couverte par un tchador noir qui ne laissait voir que son nez et l’un de ses yeux, tenant une feuille de papier entre les doigts comme si elle récitait une leçon mal apprise, une voix off en farsi couvrant sa propre voix qui s’exprimait dans sa langue maternelle, l’azéri, confessait sa supposée “complicité” dans le meurtre de son mari.
«Son actuel avocat, Hutan Kian, a affirmé que cette déclaration, contraire à toute vraisemblance, a été arrachée à nouveau sous la torture, et rapporte que les enfants de Sakineh sont, quant à eux, “complètement traumatisés” par l’émission. Outre le fait que l’on peut avoir des doutes sur l’identité de la femme qui est apparue ce soir-là sur les écrans, dissimulée sous un tchador étonnamment couvrant, ces propos vont par ailleurs clairement à l’encontre de ceux rapportés par le Guardian, la semaine dernière, et où Sakineh expliquait que les autorités iraniennes l’avaient déjà, en 2006, lavée de cette accusation infâme; qu’elles mentaient donc sciemment en revenant ainsi sur une charge abandonnée depuis longtemps et ce dans le seul but de semer la confusion dans les médias et de les préparer à une exécution à la sauvette; et que la “justice” ne s’obstinait sur son cas que “parce qu’elle est une femme” et qu’elle vit “dans un pays où les femmes sont privées de leurs droits les plus élémentaires”.
«Que Sakineh soit privée de ses droits les plus élémentaires, cela ressort du fait qu’elle n’a même pas eu droit, dans cette affaire, à un jugement limpide, dans une langue qu’elle puisse comprendre: “Quand le juge a prononcé la sentence, a-t-elle déclaré au Guardian, je n’ai même pas réalisé que j’allais être lapidée à mort car j’ignorais ce que signifiait le mot “rajam”; ils m’ont demandé de signer la sentence, ce que j’ai fait, et quand je suis retournée en prison et que mes codétenues m’ont avertie que j’allais être lapidée, je me suis immédiatement évanouie.” Cela est confirmé par les mésaventures de son ancien avocat, Mohammad Mostafaei, qui avait attiré l’attention internationale sur son cas et qui s’est vu, pour cela, menacé d’emprisonnement (il n’a dû son salut qu’à la fuite en Turquie où il attend un visa pour la Norvège –mais non sans que son épouse, Fereshteh Halimi, ait été retenue en otage et emprisonnée). Cela est enfin attesté par le fait que, nonobstant l’horreur de la chose même, et quitte à entrer dans les détails les plus scabreux, une mise à mort par lapidation n’est possible en “droit” iranien que lorsque la famille de la victime en fait la demande (ce qui, dans le cas de Sakineh et de sa famille, n’est pas le cas).
«Mais par-delà ces considérations dans lesquelles nous n’avons ni le goût ni peut-être, désormais, vraiment le temps d’entrer, il est urgent d’intervenir pour empêcher une mise à mort dont les observateurs de la scène iranienne ont tout lieu de redouter l’imminence. Il est urgent de répondre à l’appel des enfants de Sakineh, Fasride et Sajjad Mohammadi Ashtiani, nous adjurant de ne pas fermer les yeux sur une mise en scène aussi grossière et de ne pas laisser leur “cauchemar devenir réalité”. Il est urgent d’exiger des autorités, pour Sakineh, le renoncement à toute forme d’exécution, une remise en liberté sans délai et la reconnaissance de son innocence. Des dizaines de femmes sont, chaque année, en Iran, condamnées au fouet, à la lapidation ou à d’autres peines dont la barbarie glace, tout autant, les sangs: il est urgent, au-delà même du cas de Sakineh, que l’ONU rappelle au régime des mollahs les promesses faites, en 2002 et en 2008, quant à l’abolition de ce type de châtiments. La vie d’une femme est jeu. La liberté et la dignité de milliers d’autres se jouent également là. Et il s’agit enfin de l’honneur d’un grand pays, doté d’une culture aussi magnifique qu’immémoriale, et qui ne peut se voir résumer, sous les yeux du monde, au visage ensanglanté, réduit en bouillie, d’une femme lapidée. Pitié pour Sakineh. Pitié pour l’Iran.
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