Conseillère générale et habitante du canton de Besançon Planoise, je souhaite réagir aux propositions des deux conseillers municipaux, MM. Sassard et Omouri, de l'édition du samedi 6 novembre de L'Est Républicain.
Je suis comme eux, préoccupée par la violence dans notre ville et notre société et je n’ai aucune complaisance pour les délinquants, quels qu’ils soient, jeunes ou vieux. Je trouve que les élus sont dans leur rôle quand ils font des propositions, je suis néanmoins en désaccord profond avec les leurs. Je constate que leurs propos concernent les quartiers populaires, et particulièrement les jeunes, et cette façon de les stigmatiser est pour moi insupportable. Comme s'ils étaient les responsables de la violence de notre société ! Quant aux propositions, elles me paraissent à la fois inacceptables et inefficaces.
Placer des caméras de videosurveillance à Planoise, Battant ?
Je ne nie pas que dans certains endroits fermés, et donc de statut privatif ou semi privatif, la vidéosurveillance, associée à du personnel policier, ne puisse pas jouer un rôle positif. Pourtant, toutes les études et statistiques sérieuses montrent qu’elle n’a pas fait la preuve de son efficacité. Ce que l’on sait en revanche, c’est que cela coûte très cher. Ainsi, les moyens mis dans ce dispositif incertain ne seront pas affectés à d’autres dépenses publiques importantes et urgentes (encadrement des enfants dans les écoles, éducateurs au sens larges, policiers, infirmiers…). Et je n’évoque pas ici, le risque possible d’atteinte aux libertés de ce dispositif si il tombait dans des mains malveillantes…
Quant à l’incendiaire de l’école Champagne, qui peut penser réellement qu’avec le mélange de l’alcool et des médicaments qu’il prenait pour des raisons psychiatriques, la présence d’une caméra aurait-été pour lui dissuasive ?
Ce garçon de 20 ans a surtout besoin d’un suivi médical et d’un accompagnement social, car il est malade. Je ne trouve aucune excuse aux délinquants en question. J’essaie simplement de voir dans quelle mesure ces propositions auraient pu éviter ces drames.
« Interdire la mendicité au centre et près des centres commerciaux au moins pendant la période estivale » ?
Cette proposition est indigne et hypocrite, elle traduit l’idée que les pauvres nuisent à l’image de la ville et sont mauvais pour le tourisme. En réalité, ils nuisent surtout à notre confort psychologique. On préfèrerait donc ne plus les voir. Mais les reléguer « ailleurs » ne résout pas le problème, il le déplace de façon indigne. Car il y a bien un problème, grave, à résoudre. C’est celui de la misère, pas celui de la mendicité. C’est celui de violence d’un système qui repose sur les seules valeurs de la performance, de la domination et de l’argent. A défaut de trouver des solutions au règlement d’une crise globale, notre devoir est d’apporter du soulagement à ceux qui souffrent et vivent dans l’exclusion, ainsi que le respect minimum du à tout individu.
D’ailleurs, puisque ces deux élus parlent beaucoup de Planoise, je les invite à venir voir les personnes qui mendient. La seule agression que l’on peut ressentir, c’est celle infligée à notre mauvaise conscience…
« Le taux de délinquance des mineurs était de 24 % » ?
La présentation qu’ils font de la délinquance et de la violence place presque systématiquement les habitants des quartiers populaires (ils proposent des caméras à Planoise, la Grette), particulièrement les jeunes, du côté des coupables.
Selon eux donc, 1 jeune bisontin sur 4 serait délinquant ! C’est évidemment faux. Si l’on est bien d’accord que tout acte délictuel est préoccupant et doit appeler à une analyse et une réaction (de la famille, de la société), ces amalgames sont insupportables. On ne peut pas mettre sur un même plan le vol d’un CD en grande surface avec un vol de portable en bande avec agression, une bagarre à l’école qui tourne mal avec un piège tendu aux forces de l’ordre, une insulte avec un viol.
Bien sûr, les jeunes prennent leur part dans les actes délictueux, mais les jeunes sont aussi et avant tout des victimes dans notre société, singulièrement ceux issus des milieux populaires. En France, plus de 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, c’est le cas de près de la moitié des enfants de Planoise. Le taux de suicide des 15-25 ans est l’un des plus élevés d’Europe. On peut ajouter que plus de 100 000 jeunes de moins de 25 ans sont au chômage depuis plus d’un an et que les enfants dont les deux parents sont nés au Maghreb ou en Afrique subsaharienne sont deux fois plus au chômage que les autres (30 % contre 14 %). Et ce n’est pas le "RSA jeune" qui va les aider (aujourd’hui 12 contrats ont été signés dans le Doubs).
Je terminerai en leur conseillant vivement d’établir un lien entre ce qu’ils dénoncent localement et ce qu’ils votent nationalement.
C’est la droite qu’ils soutiennent, qui en trois ans a diminué les effectifs policiers sur le terrain et dans les commissariats, de près de 10 000 personnes : on peut penser que leur maintien aurait permis d’éviter nombre d’infractions.
C’est la droite qu’ils soutiennent, qui a privilégié les CRS, les gendarmes mobiles, les unités spécialisées, les opérations « coup de poing », alors que c’est de policiers de terrain, proches de nous, dans nos quartiers, présents au quotidien dont on a besoin. La municipalité de Besançon n’est en l’occurrence en rien responsable et une municipalisation de la police nationale serait une très mauvaise chose, ne serait-ce que parce qu’elle aggraverait les inégalités entre les territoires.
C’est la droite qu’ils soutiennent, qui, depuis une décennie, attise les haines entre générations, entre Français et étrangers, entre ceux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas.
C’est la droite qu’ils soutiennent, qui casse le lien social, étrangle les collectivités locales et les associations, opère un « hold up » sur les ressources des offices HLM qui logent les classes populaires, condamne l’école et les associations d’éducation populaire.
C’est la droite et les amis de nos deux conseillers qui créé ainsi l’insécurité sociale et les conditions de la violence.
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