Il y a des jours où, lorsqu’on allume sa télévision ou sa radio, lorsqu’on ouvre son journal du matin, on est particulièrement écœuré. L’ancien patron d’une grande entreprise européenne, dans laquelle l’Etat est actionnaire, s’est offert un parachute doré de 8,4 millions d’euros alors même qu’il a été renvoyé pour ses erreurs de gestion. Les salariés n’ont pas eu droit à tant d’égards. L’entreprise annonce la suppression de 10 000 emplois. Derrière ces 10 000 emplois ce sont 10 000 personnes qui malgré la qualité de leur travail se retrouvent sans emploi. C’est évidemment inacceptable.
Mais au-delà de ces saines réactions, il faut que cela nous permette de réfléchir et de proposer pour que de telles situations soient évitées.
Jamais l’économie mondiale n’a produit autant de richesses. Mais jamais non plus le partage de cette richesse n’a été aussi inégalitaire. Inégalités entre les Nations, entre les salariés, entre les revenus du capital et ceux du travail entre le capital utile à la croissance et celui utile à quelques actionnaires qui possèdent l’économie mondiale.
En France, les profits des entreprises du CAC 40 ont explosé de plus de 50 % sans que cela ne se traduise par des investissements productifs ou des créations d’emploi ou même des hausses de salaires. Cette situation économiquement improductive et socialement destructrice, découle de la stratégie de certaines grandes entreprises cotées (et pas de toutes les entreprises), qui maximisent leur profit quasi-exclusivement en minimisant leurs coûts sans chercher ni à se développer, ni à inventer. Un indicateur de gestion structure aujourd’hui stratégies des grandes entreprises : la création de valeur pour l’actionnaire. Cela conduit à pénaliser les autres parties prenantes de l’entreprise, notamment les sous-traitants et à précariser le travail. Le risque économique est pris par les salariés alors que le capital, quel que soit le contexte économique voit ses revenus garantis. Nous devons redire que des taux de rentabilité de 15 % dans une économie dont les taux de croissance sont de 2% en moyenne sont profondément destructeurs des équilibres économiques et sociaux.
L’enjeu de l’utilisation qui est faite de la richesse produite par les entreprises françaises relève du domaine politique et doit être au cœur des propositions : il s’agit de modifier – par l’action politique – le rapport de force entre actionnaires, managers, salariés et collectivités publiques, pour un juste partage des richesses entre tous ceux qui contribuent à sa création.
Que les actionnaires reçoivent une part de la richesse produite n’est ici pas mis en cause. Ce qui l’est c’est qu’ils en soient les bénéficiaires très privilégiés et qu’ils soient pratiquement les seuls à pouvoir en décider. Or si les résultats d’une entreprise sont bons ce n’est pas seulement ou principalement grâce aux actionnaires. C’est aussi grâce :
- à la qualité du travail des salariés
- à l’investissement des collectivités territoriales dans le système de formation qui (malgré ses limites) nous permet d’avoir les salariés les plus productifs d’Europe ; dans des infrastructures routières de qualité, dans un dispositif juridique qui permet de commercer en sécurité…
Cela doit être reconnu et rétribué justement.
Les managers jouent également un rôle majeur dans la réussite d’une entreprise et il est normal que cela soit dit. Mais même quand il réussit très bien, rien ne justifie qu’il gagne, 30, 40, 50 fois plus que les salariés de l’entreprises qui eux aussi remplissent leur tâche avec professionnalisme. Evidemment quand celui-ci échoue, il est inadmissible qu’il puisse bénéficier d’un régime tel que celui dont a bénéficié M. Forgeard. Mais le patron d’EADS est loin d’être seul dans cette situation. Si l’indignation est légitime, elle ne doit pas nous masquer l’essentiel. Ce qui pose problème aujourd’hui c’est justement que cette situation n’a rien d’exceptionnel et qu’elle soit possible. C’est pourquoi, le politique doit fixer de nouvelles règles :
- Pénaliser fiscalement les entreprises qui privilégient leurs actionnaires à l’investissement productif, en modulant le taux d’impôt sur les sociétés en fonction de la part consacrée aux investissements plutôt qu’aux dividendes.
- Transformer « Assemblée générale des actionnaires » en « Assemblée générale des acteurs de l’entreprise ». Les actionnaires ne peuvent être les seuls à décider des choix qui engagent l’entreprise : salariés, sous-traitants, fournisseurs doivent avoir leur mot à dire.
- Obliger à la publication du bilan social dans le rapport financier et moral qui fera apparaître l’ensemble des données d’emplois et de rémunérations, notamment les évolutions salariales des dirigeants. L’objectif est de faire apparaître le véritable bilan social de l’entreprise : sa stratégie d’évolution de l’emploi, le traitement qu’elle réserve à ses salariés et à ses dirigeants en matière de rémunérations et ses relations avec les fournisseurs et les sous-traitants.
- Soumettre toutes les rémunérations versées par l’employeur à l’ensemble des prélèvements sociaux et fiscaux pour remettre en cause les dispositifs dérogatoires de rémunération déguisée comme les stocks options.
Parachute ! Parachute !
J’ai consulté le dictionnaire à la recherche d’un sens qui conviendrait pour notre cher patron largué de l’espace interstellaire de gros salaires, et je n’ai pu trouver que la définition classique qui dit qu’un parachute sert à ralentir la descente…
Or, dans le cas précis de notre cher patron il s’agit plutôt d’une ascension, une sacrée et scandaleuse ascension vers les cimes de l’inconcevable injustice. 8,4 millions d’euros ! Je vous avoue que le chiffre m’effraie ; à ma décharge le fait que mille cinq cent ou deux mille euros me paraissent déjà une fortune ! Alors 8,4 millions d’euros vous pensez que cela me donne le vertige.
Mes neurones habitués à la petitesse de ma condition abdiquent, alors à moi la calculatrice.
8 400 000 divisés par 1000euros donnent 8400 mois de salaire. Mais si on divise 8400 mois par douze, c’est l’effarement : cela donne tenez-vous bien 700 années de salaire mensuel à 1000 euros.
C’est une honte et c’est dégoûtant.
Cela vous écœure du capitalisme, du libéralisme et de tout ce qui verse dans leurs registres.
C’est immoral de proposer une telle somme à un licencié pour faute grave, alors que des milliers d’hommes sont mis à la porte justement à cause de SA faute, avec la différence que ces milliers d’hommes ne recevront rien du tout.
Vivement que cela change.
Rédigé par : mosbah | 19 avril 2007 à 21h45