Voici la tribune que j'ai signée, parue dans Le Monde du 3 juin 2010.
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A propos du cumul des mandats, le débat engagé entre les sénateurs socialistes et Martine Aubry semble opposer efficacité électorale et exemplarité morale. Il arrive quelques mois après que les militants socialistes ont débattu, puis voté à 71 % l'application de la règle du cumul à partir de 2011. Au moment de ce vote, le 1er octobre 2009, le calendrier des élections cantonales et sénatoriales de 2011 était connu, comme la perspective d'un éventuel basculement à gauche du Sénat. Tous ont voté en connaissance de cause.
Or, à quelques semaines de la convention nationale sur la modernisation du Parti socialiste, les sénateurs semblent vouloir revenir sur ce choix. Leur argument est fort : s'appliquer de façon unilatérale la règle du non-cumul lors de cette échéance interdirait à la gauche la possibilité d'une conquête "historique" du Sénat. Au nom de l'efficacité, il faudrait différer une nouvelle fois, l'application de la règle "morale" que le parti s'est librement fixée. Qu'en est-il réellement ?
Le Sénat étant l'expression des collectivités locales, pour être élu, il est donc préférable d'avoir l'expérience d'un mandat local. En revanche, une fois élu, en quoi le cumul de deux mandats dans des collectivités différentes est-il gage de compétence et d'efficacité ? Le travail d'un sénateur ne nécessite-t-il pas en lui-même une implication exclusive dans le cadre d'un mandat clairement identifié ?
Certes, certains "grands élus" sont en même temps de remarquables et talentueux parlementaires et d'honnêtes responsables d'exécutifs locaux. Mais n'est-il pas plus logique, sinon démocratique, de penser que deux mandats seraient mieux exercés par deux personnes différentes travaillant en bonne intelligence que par une seule ?
Concentration des risques
Enfin, l'argument traditionnel du cumul comme atout puissant de réussite électorale reste à vérifier. Cette pratique très répandue au sein du PS ne lui a pas permis jusqu'ici de revenir au pouvoir au niveau national. C'est là que l'exemplarité morale peut rejoindre l'efficacité électorale.
Que se passera-t-il si l'on repousse une fois de plus l'application de la règle du non-cumul ? Le PS gagnera peut-être des sièges au Sénat, peut-être même pourrait-il le gagner. Mais, au-delà, ce qui apparaît encore plus probable, c'est le risque que le PS perde les élections suivantes. En effet, quelle crédibilité les électeurs, et les abstentionnistes, accorderaient-ils à un parti et à des élus qui s'exonéreraient des règles qu'ils se sont eux-mêmes données, approuvées très largement par les militants et considérées comme prioritaires pour moderniser et renouveler la vie démocratique. Comme si la parole publique et les politiques n'étaient pas déjà suffisamment décriés !
Pour le PS, il y a plus à perdre que la conquête du Sénat : sa crédibilité à l'égard des citoyens et la valeur morale de son message politique. Si les militants PS (dont les élus tirent leur légitimité) sont très largement opposés au cumul des mandats, ce n'est pas par ignorance ou mépris de l'efficacité électorale, c'est parce que c'est une pratique qui n'est ni démocratique ni de gauche.
Le cumul est un empilement de pouvoirs dans les mains de quelques-uns, alors que le principe de base du socialisme est le partage de ces mêmes pouvoirs. Le cumul affaiblit la participation démocratique à la vie politique et hypothèque son renouvellement. Enfin, le cumul va à l'encontre de l'efficacité, car, en concentrant les responsabilités sur les mêmes personnes, non seulement il exclut certains de ces responsabilités, mais il concentre les risques de mal les assurer et fragilise la collectivité publique.
La crise actuelle nous oblige dans ce domaine aussi à penser au-delà du court terme des échéances électorales prochaines. Redonner du sens et du crédit à l'action politique est une priorité. Mettre en conformité les paroles et les actes est aujourd'hui, en plus d'être moralement souhaitable, peut-être politiquement efficace. Cela vaut la peine d'essayer !
Barbara Romagnan est conseillère générale PS du Doubs.
Très bon billet sur lemonde.fr, Barbara !
Quand aura fini le temps des barons locaux cumulards, mâles de préférence, le PS aura bien avancé.
Place à la jeunesse, à la parité hommes-femmes, à l'égalité des chances.
Amitiés
David
Rédigé par : David Vieille | 04 juin 2010 à 15h12
Les sénateurs manquent peut-être de courage politique, s'il se sont engagés un jour en politique, c'est pour servir l'intérêt général de leur con-citoyens, non ? des fois (et pas que), on se le demande ...
Par ailleurs, connaissez vous l'association Anticor ?
http://anticor.org/
Rédigé par : Bertrand LE ROY | 08 juin 2010 à 15h08